Introduction colloque
« Où va le travail social ? »

Manuel Boucher

Jeudi 28 octobre 2021, Perpignan

C’est avec une grande satisfaction, qu’en tant que Président du Pôle recherche intervention sociale méditerranée (PRISOCM) et responsable de l’axe sciences de l’intervention et transformations sociales du laboratoire CORHIS des universités de Perpignan et de Montpellier Paul Valéry, il me revient de contextualiser et d’introduire ce colloque « Où va le travail social ? » organisé en partenariat avec plusieurs institutions, associations et acteurs que je souhaite ici citer et remercier :

Tout d’abord, des acteurs du champ de la formation en travail social dont les Instituts Régionaux du Travail Social de Perpignan et Montpellier, de Marseille Paca et Corse, de Rouen-Normandie, des écoles du travail social d’Occitanie comme Erasme et l’Ifrass à Toulouse mais aussi le réseau national UNAFORIS qui regroupe plus de 108 centres de formation en travail social et a saisi toute l’importance de cette manifestation scientifique.

Ce colloque a également bénéficié de la coopération de plusieurs institutions et associations issus du monde universitaire et de la recherche comme l’Université de Perpignan qui nous accueille aujourd’hui mais aussi l’Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès, l’Université Paul Valéry Montpellier, le Réseau Thématique 3 « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association française de sociologie (AFS), le Comité de recherche « Identité, espace et politique » de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF), La Maison des Sciences de l’Homme SUD (MSH SUD) et l’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales (ACOFIS) soutenue par l’IDS-Normandie sur lesquels nous nous sommes largement appuyé pour assurer les aspects techniques d’une telle manifestation.
Au niveau local, ce colloque a aussi bénéficié de
l’engagement de plusieurs partenaires professionnels avec lesquels nous collaborons quotidiennement comme l’association Joseph Sauvy, l’ADEPEP 66 ou l’ACAL. A noter également le soutien financier de la Région Occitanie.

Enfin quelques mots à propos du PRISOCM dont ce colloque est la première manifestation publique. En effet, dans un contexte de réingénierie des diplômes du travail social, après plusieurs mois de discussions et de rencontres entre plusieurs acteurs universitaires et des écoles du travail des régions Occitanie et PACA, le Pôle recherche intervention sociale Occitanie méditerranée (PRISOCM) a vu officiellement le jour en juin 2020 pour sortir des logiques déclinistes ou concurrencielles qui, ces dernières années, sont souvent associées à l’espace de la formation en travail social.

En créant le PRISOCM, les membres fondateurs (Véronique Bordes, François Sentis, Olivier Noël, Robert Bergougnan, Benoît Prévost et moi-même) associés à des personnes physiques (Laurence Dreyfuss, Pierre Buisson, Nathalie Champon) et des personnalités morales (Faire-Ess, Erasme, IRTS Paca et Corse, Ifrass) issus des universités et des écoles du travail social ont cherché à constituer un pôle recherche inter-régional de l’intervention sociale visant à favoriser la mutualisation des ressources pédagogiques, une meilleure articulation des activités de formation supérieure et de recherche et d’accroître le développement des activités de recherche sur le champ social à l’échelle du « grand sud », c’est-à-dire de Perpignan à Marseille en passant par Toulouse et Montpellier.

Mais avant de faire l’introduction de cette conférence puis de démarrer la première intervention plénière, permettez-moi, dès à présent, de remercier l’ensemble des nombreux intervenants (qu’ils communiquent en présentiel ou en distanciel), les membres du comité scientifique, les étudiants du Master Pratiques Réflexives et Emancipatrices de l’Intervention Sociales (PREIS) et les étudiants CAFERUIS de l’IRTS de Perpignan mais également quelques personnes du comité d’organisation dont Brigitte Baldelli qui anime avec moi les formations sociales universitaires à l’UPVD, François Sentis pour sa capacité à trouver des solutions dans les moments critiques (mobilisation des fonds du Groupement d’intérêt scientifique CRITIS), Claire Lagu et plus largement les membres du service informatique et numérique de l’IDS Normandie sans lesquels l’organisation technique d’un tel colloque n’aurait pas été possible.

D’un point de vue pratique, cette conférence est constituée de deux journées durant lesquelles nous pourrons assister à deux conférences plénières, plusieurs sessions d’ateliers thématiques et 3 symposiums organisées en parallèle ainsi que d’une table ronde. Au total, durant ces deux journées près de 106 communicants pour exprimer leurs points de vue.

Après une première longue journée, le soir, pour celles et ceux qui le souhaitent, nous pourrons continuer les débats dans un endroit convivial : les halls du centre-ville de Perpignan où l’on peut boire un verre mais aussi se restaurer.

Après cette ouverture, il me revient maintenant d’introduire la problématique de cette conférence en rappelant les principaux éléments du texte d’appel.

Contexte

Ainsi, si le travail social est aujourd’hui reconnu comme un champ professionnel à part entière et qu’il bénéficie désormais d’une définition dans le code de l’action sociale et des familles (art. D. 142-1-1) suite aux Etats généraux du travail social, il est passé par plusieurs étapes douloureuses et vit toujours de grands bouleversements qui fragilisent l’identité des travailleurs sociaux.

Depuis « l’âge d’or » de la professionnalisation du travail social située entre les années 1970 et 1980, ce champ s’est largement complexifié et s’inscrit désormais dans un espace plus large et plus flou associé à celui de l’« intervention sociale ».

Entre des secteurs historiques de l’aide sociale, du handicap, de la protection de l'enfance et du traitement de la délinquance notamment et des secteurs plus récents de l’aide à domicile, du sans-abrisme, de la médiation urbaine, de l’insertion, de la politique de la ville par exemple, l’univers des intervenants sociaux est atomisé entre plusieurs professions et métiers aux contours pas toujours bien définis.

De plus, les travailleurs sociaux et intervenants sociaux sont maintenant concernés par les contraintes du « management » et des « impératifs gestionnaires » mais sont aussi impactés par des processus d’« activation » et de moralisation qu’ils sont d’ailleurs tenus de mettre en œuvre vis-à-vis des personnes qu’ils accompagnent.

Quant aux établissements de formations qui qualifient les travailleurs sociaux ceux-ci sont aujourd’hui bousculés par un processus d’universitarisation mais sont surtout confrontés à des logiques concurrentielles et politiciennes renforcées depuis la régionalisation des formations sociales.

Dans ce contexte d’éclatement de l’intervention sociale, les acteurs de ce champ ont alors des difficultés à rendre visible leurs capacités de réflexion et d’action et doutent de leur légitimité de « régulateurs d’inégalités ».


Problématique

En effet, étant au front des inégalités sociales, beaucoup de travailleurs sociaux et d’intervenants sociaux ont le sentiment de devoir répondre à l’urgence sociale sans possibilité réelle de construire un véritable projet d’intégration/émancipation avec les personnes qui en ont besoin.

Or cette situation ramène finalement les intervenants sociaux à leur ancienne fonction de « pacification sociale » que pourtant la plupart des travailleurs sociaux réprouvent.

Alors qu’une partie d’entre eux sont confrontés à la gestion massive de populations marginalisées et stigmatisées (mineurs étrangers isolés, demandeurs d’asile, travailleurs pauvres, jeunes des quartiers populaires déscolarisés…), le vieux débat sur le rôle de « pacification des esprits » du travail social ressurgit et interroge la réalité actuelle et le sens de l’intervention sociale devant toujours combiner des logiques de contrôle social et d’émancipation.

Finalement, cette combinaison traduit l’ambivalence de l’intervention sociale contemporaine qui, aujourd’hui comme hier, est toujours en tension entre deux « pôles » : celui de la gestion des « désordres de l’inégalité » et celui de la « promotion de l’égalité ».


Objectifs

Lors de ce colloque, il s’agit donc d’interroger l’ambivalence du travail social et plus largement de l’intervention sociale.

En interrogeant des champs de recherche, d’actions sociales et pédagogiques de l’« espace travail social », il s’agit de penser les enjeux politiques, économiques, déontologiques et éthiques du travail social et de l’intervention sociale.

Ce colloque a en effet pour objectif d’améliorer la compréhension de la transformation du champ social et de ses conséquences sur la logique émancipatrice qui devrait pouvoir être constitutive du travail social.

En définitive, ce colloque se demande à quelles conditions les acteurs de l’intervention sociale, de la formation et de la recherche peuvent-ils participer au développement d’un travail social émancipateur malgré des contraintes culturelles, sociales, financières mais aussi politiques, voire politiciennes ?

Je souhaite donc une bonne conférence à toutes et à tous.

Il est maintenant temps de donner la parole aux premiers conférenciers et, tout d’abord, à François Dubet qui va répondre à sa manière à cette question : pourquoi le travail social ?